Expérience utilisateur : Canalplay infinity ou l’échec de l’offre légale

Canal+ a lancé il y a quelques mois une offre de VOD intitulée « Canalplay infinity ». Ce service facturé 9,99€ par mois permet au client de visionner « des milliers de films, des séries en intégralité […] en accès illimité » (ce sont les mots du site). Très intéressé par ce type d’offre, je me suis rendu sur le site internet pour en savoir davantage.

Canalplay - Page d'accueil

Je clique sur l’onglet « Cinéma » pour accéder au catalogue.

Canalplay - Rubrique cinéma

Le carrousel principal fait défiler 7 affiches. Le monde de Narnia, Le village, Zatoichi… Bizarre. Je jette un œil aux nouveautés présentées juste en dessous : Le cercle des poètes disparus ? Wolfen, un film quasi-inconnu sorti en salles en 1981 ?

Je fais court : les films du catalogue datent tous de 3 ans ou plus. Ce n’est pas un choix commercial, c’est la loi française qui l’impose. En d’autres termes, pour 10€ par mois vous pouvez accéder à un catalogue de films… que vous avez sans doute déjà vus. Intéressant, non ?

Je note d’ailleurs qu’une affiche de film est présente à la fois sur la page d’accueil et sur la page cinéma : Déjà vu, avec Denzel Washington. Les concepteurs du site ont de l’humour…

Canalplay - Déjà vu...

Autre problème : où sont les « milliers de films » dont il est question sur la page d’accueil ? En l’absence de catalogue complet, j’ai additionné tous les titres que j’ai trouvés dans les différents classements par genre : j’ai compté 883 films. À moins que 1200 pornos ne soient disponibles dans la catégorie Adultes (inaccessible aux non-abonnés), le compte n’y est pas du tout.

Du côté des séries, même constat : où sont « les séries en intégralité » ? Le contenu est pauvre (il ne doit pas y avoir plus de 20 séries) et date de plus de 3 ans. Même pour les créations originales de Canal+ ! Quant à l’intérêt de proposer uniquement la saison 2 de Mon oncle Charlie, il m’échappe. Vous connaissez beaucoup de gens qui préfèrent découvrir une série en commençant par regarder la deuxième saison ?

Canalplay - Rubrique séries

Note : le problème est le même avec Nip/Tuck (saison 3 4 et 5 disponibles), Friends (saison 10 uniquement)…

Cette offre montre bien l’incapacité du monde du cinéma à entrer dans le XXIe siècle. D’un côté, des dizaines de milliers de films disponibles gratuitement et illégalement. De l’autre, une offre légale :
• morcelée : tous les films ne sont pas disponibles sur tous les sites ;
• incroyablement complexe : s’inscrire sur plusieurs plateformes de téléchargement, en comprendre le fonctionnement, les limites etc. n’est pas une démarche simple ;
• onéreuse : 5€ la nouveauté, vraiment ? (Au moins les quelques films de Canalplay infinity restent bon marché.)
…en un mot : dépassée.

Pourtant, deux éléments devraient aider à faire avancer l’industrie du cinéma :
• les ventes de places de cinéma, qui battent des records chaque année ;
• l’exemple de l’industrie du disque, qui devrait faire réfléchir.

Malheureusement, rien ne bouge. Pendant que les producteurs français cherchent à augmenter le prix d’un film en VOD à plus de 8€, les États-Unis créent Netflix, Hulu, Tivo…

Il y a encore 1 an, je pouvais aller louer une nouveauté pour 1,5€ à la borne Cinébank. Ce n’était pas le top, bien sûr : il fallait se déplacer et prier pour que le film soit disponible. Mais c’était simple et bon marché.

Aujourd’hui je dois trouver le film sur un site, comprendre le fonctionnement du site, créer un compte, payer beaucoup plus cher et le regarder dans des conditions pas toujours aussi agréables (regarder un film sur son ordinateur n’intéresse pas grand monde, et il n’est pas toujours possible / simple de le regarder sur son téléviseur.) Et je ne parle pas des problèmes de débits, de bugs etc.

Combien de temps faudra-t-il attendre pour obtenir une offre réellement intéressante ?

Expérience utilisateur : Muji, le e-commerce du XXe siècle… en 2012 (2/2)

Suite et fin de ma commande sur le site internet de Muji (voir la première note). Je clique sur le bouton « panier » en haut à droite de la page.

Muji.fr - page panier

La structure très classique de l’ensemble simplifie la consultation : la page n’est pas sexy mais son utilisation ne devrait pas poser de problème. En revanche, la charte graphique est — malheureusement — toujours aussi bien appliquée : les textes sont petits et les boutons en bas de page manquent de contraste.

Je clique sur « commander ».

Muji.fr - page d'identification

Ici aussi, la structure relativement conventionnelle de la page (bloc « nouveau client » à gauche, bloc « déjà commandé » à droite) facilite sa compréhension. Je remarque toutefois :
• un texte d’introduction minuscule (on pouvait donc faire plus petit !) ;
• plusieurs liens peu mis en valeur et aux codes graphiques changeant (le « [plus d’info] » du premier paragraphe, le « cliquez ici » en bas à droite) ;
• quelques fautes d’orthographe et de ponctuation plutôt malvenues (la phrase « En créant votre compte sur, MujiOnline vous pourrez commander nos produits et accéder a nos différents services » est un exemple intéressant).

J’ai déjà un compte client chez Muji, je m’identifie.

Muji.fr - page de livraison

Je suis surpris : comment cette page peut-elle être si confuse ? Les structures des deux pages précédentes fonctionnaient convenablement, pourquoi ici est-ce si différent ?

Je distingue plusieurs autres éléments à revoir, mais j’ai l’impression de radoter :
• le lien « changer d’adresse » remporte le trophée du texte le plus petit (jusqu’à la prochaine page ?)
• le texte « si vous vouler rajoutez un commentaire » le trophée de la faute la plus insupportable ;
• l’image à droite de la colonne « historique des commandes » le trophée du picto le moins lisible (j’ai fini par comprendre qu’il s’agissait d’un Caddie). D’ailleurs : que vient faire l’historique de mes commandes sur la page « livraison » ?

Je clique sur « continuer ».

Muji.fr - page paiement

Même mise en page illisible, même lien minuscule, même faute d’orthographe… Cette page ressemble énormément à la page précédente. Petite surprise cependant : le fil de commande, que je n’avais pas remarqué, est pourtant bien présent… tout en bas de la page. Drôle d’idée.

Note : j’apprécie particulièrement les nombreuses méthodes de paiement qui me sont proposées.

Je clique à nouveau sur « continuer » (un libellé bien peu explicite.)

Muji.fr - page de confirmation

Bien que plus dense, cette page est un peu plus lisible. L’utilisation de codes graphiques formels (titres en gras, liens bordeaux soulignés) associés à une structure un peu plus stricte facilite grandement la lecture. Malheureusement, les concepteurs ont choisi cette dernière page pour changer de codes graphiques : le bouton « continuer » a disparu. Pour poursuivre sa commande, il faut cliquer sur… le logo d’une carte.

Je clique sur un logo, je suis redirigé sur le module de paiement.

Muji.fr - renvoi sur le template de la Société Générale

Me voici donc de retour en 1995.

Comment en 2012 peut-on encore voir ce genre de choses ? Et encore, la copie d’écran ne montre pas le meilleur :

Gif animé

Un gif animé (de 200ko tout de même), comme au « bon vieux temps » !

Je ne détaille pas davantage, Fred Cavazza en parle très bien ici (les commentaires sont intéressants également.) Cela dit, après deux notes entièrement consacrées à la relative vetusté du site de Muji, je me dis que cette page n’est peut-être que la suite logique de tout le reste…

Expérience utilisateur : Muji, un site… poussiéreux ? (1/2)

Muji est une enseigne que j’apprécie. Le concept initial, illustré par le nom d’origine « Mujirushi Ryohin » (d’après le catalogue, « produits de qualité sans marque »), me plaît beaucoup. Malheureusement pour moi, les seuls magasins français se trouvent à Paris ou en région parisienne (9 là-bas, aucun ailleurs.) Je me rends donc sur leur site internet pour acheter quelques fournitures de bureau.

En un clin d’œil, je suis de retour 10 ans en arrière. (Un clin d’œil d’une vingtaine de secondes tout de même, le temps pour le site de se charger.)

Note : je ne rentre pas ici dans le détail de chaque page ; je me concentre sur les différentes étapes de ma commande.

Muji.fr - accueil

La page d’accueil remplit son rôle : je trouve rapidement la catégorie de produits qui m’intéresse. Je clique sur « papeterie », dans la colonne de gauche.

Muji.fr - catégorie

Début des réjouissances. Qui a eu l’idée d’utiliser une police aussi petite (de l’arial 10 px apparemment) ? Et pourquoi afficher de si petites images ? La photo du cahier est plus petite que le logo de la Société Générale en bas de la page !

Message personnel : intégrateur, n’affiche surtout pas le code source de ce site. Jamais. (Quatre mots issus de Web Developer, pour l’exemple : « 6 profondeurs de tableaux ».)

Je clique sur le cahier.

Muji.fr - page liste

Bienvenue en 1998.

Premier point, la lisibilité : si les images sont cette fois un peu plus grandes, le texte est lui toujours aussi petit. Pour ne rien arranger, les descriptions des produits sont ENTIÈREMENT EN MAJUSCULE. J’ajoute que le sigle ‘€’ a été étrangement remplacé par les 3 lettres « EUR », que cliquer sur le caractère ‘2’ constitue un challenge en soi, etc.

Je ne vais pas répéter sans arrêt que la lisibilité des textes est mauvaise. J’arrête… non sans avoir précisé que la personne chargée de cet aspect a sans doute également travaillé sur la lisibilité du catalogue papier (disponible ici — attention, ce fichier pdf extrêmement lourd de 6Mo « nécessite une connexion haut-débit »), dont voici un extrait :

Muji.fr - extrait du catalogue

Second point : la présentation. Aucun tri n’est possible : par taille (A4, A5, etc.), par nombre de pages, par prix… rien. Il n’est pas non plus possible d’augmenter le nombre d’articles affichés.

En tête de gondole, les carnets que je recherche. Je clique — sur l’image, puisque la description n’est pas cliquable.

Muji.fr - page d'erreur

Produit non trouvé ? En tête de gondole ? Pas très sérieux, d’autant que cette erreur est en ligne depuis plusieurs semaines il me semble…

Le bouton « continuer » ne me redirige pas sur la page liste pour faire un autre choix mais sur la page d’accueil du site. Bon… Je reviens sur la page précédente et je sélectionne un autre carnet.

Muji.fr - page produit

Bienvenue en ex-URSS.

La description de ce produit est composée de : 4 mots. « Couverture », « kraft », « Format » et « A5 ». De façon intéressante, cette description réussit à être moins informative que le titre de la page, puisque ce dernier contient l’indication supplémentaire « à lignes ».

Bien sûr, la description d’un carnet ne requiert pas des centaines de mots. Cela dit, il y a tout de même une chose que l’on s’attend à trouver : le nombre de pages. Ici, il n’est tout simplement pas indiqué. (Dans le doute, je jette un œil aux carnets A4 et A6 : rien.)

La photo du produit, toujours aussi petite, est accompagnée d’un lien « cliquer pour agrandir ». Je clique : le visuel mesure 287 px. On est loin des 1200 px de La Redoute par exemple.

Muji.fr - zoom produit

Allez, pour un simple carnet, ce n’est pas bien grave. Et sur la fiche produit d’un lit, par exemple, l’image est un peu plus grande. En revanche, on ne trouve pas d’autres photos du produit. Quant à sa description…

Le carnet me convient, je décide de le commander. Je clique sur le bouton « ajouter », un bouton perdu sous le visuel du produit et au contraste proche de zéro. Et là, il ne se passe rien.

Muji.fr - ajout au panier

Ah, si : la ligne de texte située au dessus du visuel indique désormais « 1 produits | 2 EUR » (la faute d’orthographe, c’est cadeau). Étant donné la taille du texte… Mais j’ai dit que je ne revenais pas dessus.

Je termine cette première partie sur une note plus positive. Puisque le nombre de pages du carnet n’était pas indiqué sur la fiche produit, j’ai contacté une boutique Muji par téléphone. Une personne m’a répondu et est allée me trouver l’information directement dans le magasin.

Bien sûr, ça fait un peu vingtième siècle, mais au moins j’ai eu l’information que je cherchais !