Vendre ses newsletters via le pire de l’UX sur monster.fr

Je me rends sur le site de monster.fr pour consulter les offres d’emploi. J’entre un mot-clé, un lieu, je valide et je suis redirigé vers les résultats de ma recherche.

Monster.fr - résultats de la recherche

Ce n’est pas cette page qui a motivé la rédaction de cette note, mais je m’y attarde tout de même quelques minutes.

Je me trouve sur un site d’emploi, je suis vraisemblablement à la recherche d’un poste, et la page des résultats m’en présente… deux. (Allez, trois si on compte le titre tout en bas de la page.) Bien sûr la résolution de ma copie d’écran est assez basse (c’est un équivalent au 1024 x 768, façon iPad), mais peu importe : l’espace qu’occupe les résultats de ma recherche reste particulièrement limité.

Que trouve-t-on autour ?

• Des publicités. L’emplacement du premier “résultat” de ma recherche, c’est-à-dire la zone la plus chaude de la page, est d’ailleurs occupé par une annonce pour un salon de recrutement. En bas à droite, on a même droit à une vidéo. Je devrais être heureux qu’elle ne se lance pas automatiquement, mais ce n’est qu’une petite consolation : il s’agit en réalité d’un carrousel de trois vidéos, qui tourne en permanence. Un vrai bonheur lorsque l’on essaie de se concentrer sur le contenu de la page.

• Un gros encart dédié à la réception d’offres via newsletter. Ce bloc occupe à peu près autant d’espace que les résultats de ma recherche… Il s’agit d’une fonctionnalité très pratique et j’imagine très appréciée des utilisateurs, mais je ne m’y trompe pas, elle “rapporte” surtout beaucoup à Monster.

• Un accès recruteur, qui lui aussi rapporte sûrement plus à Monster que les résultats de ma recherche.

Voilà pour la liste des éléments qui ressortent de cette page. Au milieu, on retrouve donc les résultats de ma recherche, ainsi qu’une colonne dédiée au filtrage. Ouf !

J’ajoute que malheureusement, le contenu de cette page est noyé dans un fond blanc omniprésent qui nuit à la lisibilité de l’ensemble. De nombreux textes manquent de contraste (pas facile de distinguer le nombre de résultats par exemple) et le visiteur risque d’avoir du mal à cerner les différents blocs qui composent les résultats.
Le problème est d’ailleurs amplifié sur un écran à la résolution supérieure.

Je clique sur le premier résultat.

Monster.fr - offre d'emploi

Sur cette page, je vais devoir faire quelques suppositions.
Je suppose que la taille du logo est une erreur.
Je suppose que le site est en cours de refonte, car les éléments qui composent la page n’ont plus rien à voir avec ceux de la page précédente : le header est différent, les polices, leurs tailles sont différentes bref en dehors du logo les pages n’ont rien à voir.

Je constate encore une fois la prépondérance de l’encart dédié à la réception d’offres via newsletter. Il s’agit du premier élément de la page, juste en dessous du header – sa visibilité semble clairement disproportionnée sur une page comme celle-ci.

Il y aurait encore beaucoup de choses à dire sur cette page, probablement plutôt ancienne, mais ce n’est pas non plus ce qui a motivé la rédaction de cette note.

Je décide de revenir à la page précédente pour consulter les autres résultats de ma recherche. Malheureusement, Monster ne compte pas me laisser faire.

Monster.fr - alerte du navigateur

« Et là, c’est le drame. »
Monster m’envoie un message d’alerte via le navigateur, qui me demande si je souhaite vraiment quitter cette page. Un message d’alerte ? Sérieusement ?!

Et que dit la petite ligne située sous le message ? « Intéressé par des offres similaires par e-mail ? Restez sur cette page. » Mais vous voulez bien arrêter de pousser vos newsletters et me laisser naviguer sur votre site ?!

Pour être tout à fait honnête je ne pensais pas que des sites sérieux (= pas du warez ou du porno) utilisaient encore ce genre de subtilités.

Bonus : l’affichage de cette alerte est systématique, quel que soit mon comportement. En d’autres termes, si je quitte le site voire si je ferme l’onglet de mon navigateur, j’y aurai également droit. Cerise sur le gâteau, cette foutue alerte a planté mon Firefox deux fois pendant mes tests.

J’ai envie de me faire du mal, je clique donc sur le bouton Rester sur la page. Le message d’alerte disparaît… et est remplacé par un layer, tout aussi inopportun mais beaucoup plus classique, malheureusement.

Monster.fr - abonnement à la newsletter

Je crois qu’il est inutile que je revienne sur le contenu du layer (un indice : il est question de newsletter). En revanche, un détail mérite que je m’attarde un peu : il est impossible de fermer cette fenêtre. Pas de croix ni de bouton fermer ; lorsque je clique en dehors du layer il ne se passe rien ; même résultat en appuyant sur la touche Escape de mon clavier.

C’est là que l’histoire devient presque comique. J’ai signalé ce problème sur Twitter il y a deux jours, et j’ai reçu une réponse le lendemain. La voici :

Conversation sur Twitter

Sur Chrome, il faut cliquer en haut à droite de la popup: la souris-flèche devient une main qui vous permet de fermer le layer ;)

(Au passage les copies d’écran ont été faites avec Safari, pas avec Chrome…)
Qu’est-ce que ça veut dire ? Tout simplement que le bouton de fermeture est bien présent en haut à droite de la fenêtre, mais qu’il est invisible. Et que Monster le sait. Et que Monster semble trouver ça normal.

En bref, la crème de l’expérience utilisateur en quelques clics.

Google maps avant, Google maps après

La nouvelle version de Google Maps est en cours de déploiement ; il ne sera donc bientôt plus possible d’accéder à l’ancienne mouture. J’en profite pour faire une rapide comparaison.

Voici une copie d’écran de l’interface de saisie d’un itinéraire. À gauche, l’ancienne version.

Google Maps : avant, après

Plusieurs changements méritent quelques commentaires. Je commence en haut de l’écran.

• Moyen de transport

Google Maps avant, après : moyen de transport

Ancienne version : boutons de type on/off. Pictos explicites (en voiture, à pieds, à vélo.)

Nouvelle version : une succession de pictos sans bouton. Picto du milieu peu clair (bus, train, transports en commun ?), disparition du picto vélo. Trois teintes utilisées : bleu (sélectionné), gris clair et gris foncé, sans que l’on comprenne au premier coup d’œil la différence entre ces deux couleurs (en fait, le gris clair signifie non applicable). Picto ‘…’ stupide (il me rappelle un peu le picto sandwich qui fleurit un peu partout) et apparemment inutile : au survol deux pictos supplémentaires apparaissent, pourquoi donc les masquer puisqu’il y a suffisamment de place pour les afficher ?

• Zone de saisie

Google Maps avant, après : zone de saisie

AV : deux champs texte. Le texte saisi n’est pas très grand mais reste bien lisible. Le champ sélectionné est cerné de bleu avec une ombre interne. Un bouton à droite permet d’inverser les destinations. Deux liens en texte brut, de petite taille mais bien lisibles, permettent d’ajouter une destination et d’afficher les options. Un gros bouton bleu Itinéraire permet de lancer la recherche.

NV : aucun champ texte. Le texte saisi est plus grand mais moins lisible (la police est sans doute plus claire, ou plus fine et plus lissée, difficile à dire). Le « champ » sélectionné est souligné d’un liseret bleu très peu visible. Un picto ‘+’ moyennement explicite permet d’ajouter une destination ; le texte Options d’itinéraire, gris clair, est cliquable (alors que d’autres textes utilisant cette teinte ne le sont pas). Le bouton permettant de lancer la recherche a perdu son intitulé et se retrouve flanqué en haut à droite de la fenêtre, à côté du bouton Fermer. Note : sur cette copie d’écran ce bouton est bien visible puisqu’il est sur un fond blanc ; en réalité il est positionné par dessus la carte et devient donc moins visible.

• Itinéraires

Google Maps avant, après : itinéraires

AV : trois itinéraires proposés. Ils se présentent sous la même forme : nom de la route aligné à gauche, distance et durée alignés à droite, informations trafic en dessous. Le détail du premier itinéraire (mis en valeur par un fond bleu clair et des caractères gras très lisibles) est directement visible, en dessous des trois propositions. L’information Cet itinéraire comprend des péages est mise en avant à l’aide d’un fond jaune clair.

NV : trois itinéraires proposés. Ils se présentent sous la même forme : moyen de transport, nom de la route et distance alignés à gauche, durée alignée à droite. L’information mise en valeur (en gras) est le moyen de transport, ce qui permet désormais à Google de pousser son nouveau service de vente de billets (voir copie d’écran ci-dessous).

Google Maps : service de vente de billets d'avion

La lisibilité de l’ensemble des textes est problématique : la police plus fine et/ou plus lissée manque vraiment de contraste (gris clair sur fond blanc). Le détail de l’itinéraire principal n’est pas affiché : il faut désormais cliquer sur le lien Itinéraire complet pour ouvrir une nouvelle page et récupérer sa route. Un nouveau lien Aperçu permet d’afficher les étapes de l’itinéraire l’une après l’autre (sur l’ancienne version cette information était disponible au survol des étapes de l’itinéraire.)
L’information Cet itinéraire comprend des péages est illisible et de toute façon très peu mise en avant (un petit picto avertissement a remplacé le fond jaune). Les informations relatives au trafic et à la durée du trajet dans les conditions actuelles de circulation sont désormais privilégiées (textes bleus et verts).

Au final j’ai l’impression que Google donne désormais trop d’importance au look de son outil, au détriment de la lisibilité. Le cas des polices est révélateur : Google a remplacé l’Arial bien contrastée mais un peu old school par une Google font plus claire, plus douce, plus « sympa »… et beaucoup moins lisible. C’est un constat que l’on peut faire sur plusieurs outils et ce n’est pas une très bonne chose, surtout pour une entreprise qui a tant misé sur la facilité d’utilisation de ses produits.

Cdiscount et ses dark patterns

Je me rends aujourd’hui sur le site 24joursdeweb pour consulter l’article de Christelle Mozzati Les dark patterns en design d’interface, article très intéressant et bien illustré dont je recommande la lecture (pas la peine d’aller plus loin sans l’avoir lu !) J’ai été particulièrement surpris de lire que « CDiscount […] ne procède[nt] pas (ou plus) aux dark patterns tels que listés plus haut ». Hum, peut-être pas exactement ceux-là, mais…

Voici la fiche d’un article du site.

Cdiscount - fiche produit

Le prix affiché en énorme et en rouge est de 597,56€. Si je le fais remarquer, c’est bien entendu parce que ce n’est pas le véritable prix de cette machine à laver. Pour le connaître, il faut regarder la minuscule ligne de texte gris clair en dessous du prix : « + Eco Part. : 6,00€ soit un total de 603,56€ ». Le véritable prix ne sera indiqué en gros (et seul !) qu’à la dernière étape du fil de commande, au moment du paiement. Surprise !

Voilà donc un dark pattern en or (allez, en argent, le véritable prix est écrit…) dès la fiche produit du site. La bonne nouvelle, c’est qu’il semble que les comparateurs de prix ne se fassent pas avoir. C’est déjà ça.

Au passage, j’ajoute que considérer le layer « alerte infos » (à droite de l’image – très joli en 1024 x 768 !) comme un élément de design persuasif me semble un peu trop gentil. Je l’envisage plus comme un parasitage intrusif et insupportable (laissez-moi lire votre fiche produit !), mais c’est un avis personnel.

Je clique sur le bouton Ajouter au panier. Je suis redirigé sur une page qui me propose des articles complémentaires… derrière un layer « Garantie sérénité ».

Cdiscount - garantie sérénité

Pas de dark pattern ici, la garantie n’a pas été automatiquement ajoutée à mon panier. Sauf que… Le layer présente deux boutons : Refuser la garantie et Continuer mes achats (beaucoup plus contrasté). Et que se passe-t-il si je clique sur le bouton Continuer mes achats ? Le layer se ferme et… la garantie est ajoutée à mon panier. Le voilà, le dark pattern !

Voici donc mon panier :

Cdiscount - panier

La garantie sérénité est bien présente (le site a un certain culot lorsqu’il indique « Avec cet article, vous avez ajouté » : je n’ai rien ajouté du tout…) Je clique donc sur la petite corbeille pour ôter cette garantie indésirable. Le layer suivant s’affiche :

Cdiscount - suppression garantie sérénité

J’ai cliqué sur la corbeille pour virer la garantie, un layer s’ouvre, instinctivement je clique sur le bouton OUI (le plus contrasté, cette fois encore), pensant que c’est le bouton qui me permettra de supprimer ce truc. Erreur : ici aussi il faut bien lire le petit texte, « OUI je souhaite souscrire à la garantie sérénité ». J’ai cliqué sur un bouton de suppression et on me recolle la garantie ? Troisième dark pattern…

Voilà pourquoi je pense qu’il n’est pas correct de prendre Cdiscount en exemple lorsque l’on évoque l’absence de mauvaises pratiques. D’autres sites sont bien plus recommandables à mon avis – le premier qui me vient à l’esprit est materiel.net mais je n’ai pas été vérifier récemment.

PS. Pour les amateurs de layer (JLPS je pense à toi) voici les deux fenêtres qui s’ouvrent lorsque l’on ajoute au panier certains articles, comme une montre connectée par exemple :

Cdiscount - double layer

Les clients qui ont ajouté l’offre « 60 jours pour vous décider » (à droite sur la capture) et qui souhaitent la supprimer une fois arrivés au panier auront droit au layer suivant :

Cdiscount - fautes diverses

J’apprécie tout particulièrement le texte explicatif bien rédigé « Avec 60 JOURS pour vous décider 0 an, […] » et le libellé du bouton, tout simplement incomplet « OUI je souhaite souscrire à ».