Service client OVH : le choix des mots

Résumé : quelques remarques concernant l’assistance technique d’OVH et sa tendance à s’éloigner d’un véritable service client en limitant au maximum les échanges.

Mardi dernier j’ai découvert que certains de mes sites avaient été piratés (uxui affichait une page en turc, d’après Google ; charleslp.com, charlesleprevost.fr et unbonchien n’étaient plus disponibles). Mon premier réflexe a été de consulter l’aide de mon hébergeur puis de le contacter via mon espace client.

Je ne vais pas m’attarder ici sur la réponse du service client, mais plutôt sur le choix des mots de l’interface et des e-mails automatiques.

1. L’espace client

Pour contacter l’assistance d’OVH, je dois me rendre dans mon espace client. Comme beaucoup d’autres sites internet, OVH a malheureusement choisi de compliquer l’accès aux différents moyens de contact, aussi ne trouverai-je aucun lien de type Contactez-nous facilement accessible.

OVH - espace client

Au mieux, la clientèle peu habituée trouvera dans le corps de la page un encart Besoin d’aide ? dont le lien mène à la documentation en ligne.

Pour contacter le service client, il faut faire défiler non pas le corps de la page (partie principale, à gauche), mais la colonne de navigation bleu clair située à droite de l’écran, une manipulation pas forcément évidente pour tout le monde. Au bas de cette colonne se trouve une rubrique intitulée Liens utiles, un choix de mot assez maladroit :

  • il s’agit d’un intitulé peu précis (si je pars du principe que tous les liens de l’espace client ont une utilité, alors ils pourraient tous se trouver dans cette rubrique) ;
  • les autres liens de la page seraient-ils inutiles ?

Au bas de cette colonne donc se trouvent les liens qui m’intéressent : Mes demandes d’assistance et Créer un ticket.

OVH - Demande d'assistance / créer un ticket

Je n’aime pas beaucoup le mot ticket, qui fleure le jargon informatique : pour le commun des mortels un ticket est un billet donnant droit à l’admission dans un véhicule de transport public, à l’entrée dans un établissement, etc. OVH est je crois le quatrième plus gros hébergeur du monde, il ne fait aucun doute que l’ensemble de sa clientèle n’est pas familier avec cet usage du mot.

La présence de deux liens n’est peut-être pas indispensable : on pourrait les regrouper sous un même intitulé explicite, comme par exemple Assistance. Personnellement j’aime bien utiliser les mots les plus simples, les plus clairs, et j’ai la sensation qu’une expression qui tourne autour de Contacter le service client pourrait être plus efficace (mais comme on le verra plus bas, j’ai l’impression qu’OVH ne souhaite pas que l’on considère son assistance comme un service client). Tout cela doit être réfléchi et testé bien sûr.

Regrouper les deux liens sous un même intitulé semblerait un choix logique puisque la page Mes demandes d’assistance débute par un gros bouton Créer une demande d’assistance :

OVH - Mes demandes d'assistance

Au passage il serait bon d’harmoniser l’ensemble : doit-on parler de Demande d’assistance ou bien de Ticket ?

2. Les e-mails automatiques

Chaque demande d’assistance créée génère l’envoi d’un e-mail automatique. Une bonne pratique, qui rassure la clientèle sur la prise en compte de sa demande (règle 105 du référentiel Opquast : Chaque demande d’information fait l’objet d’un accusé de réception).

Un deuxième mail est envoyé au moment où le ticket est pris en charge. Cette étape me semble au mieux superflue, au pire préjudiciable : le troisième mail ayant été envoyé quatre minutes plus tard, ce deuxième mail donne l’impression que le service client s’est contenté d’un copier/coller. C’est vraisemblablement le cas, mais ce n’est pas la peine d’insister dessus.

Le troisième mail est celui qui m’intéresse le plus, en ce qui concerne le choix des mots. Le voici :

OVH - mail "solution proposée"

Le sujet du mail Solution proposée est repris dans la première phrase du contenu Une solution a été proposée. Je trouve le choix de cette expression un peu présomptueux : est-ce qu’il n’est pas un peu tôt pour parler de solution ? Bien sûr elle n’est que proposée, mais j’ai la sensation que ce choix de mot renforce l’aspect « on a envie de se débarrasser de votre demande », de la même manière que l’expression Commentaires de résolution (= votre problème est résolu) lisible la ligne suivante. Autrement dit, « on vous propose une solution, on a fait notre part du travail, merci, au revoir ».

Cette sensation est clairement renforcée par les éléments en bas de mail. OVH me demande dans un premier temps de confirmer la résolution de notre demande. C’est cohérent : on conserve cet aspect FAQ « question – réponse – point final », très éloigné d’une discussion, d’un dialogue avec un service client.

Si cette solution ne me convient pas (ce n’était donc pas une solution ?), je peux la rejeter. Ici aussi, le choix d’un verbe très négatif, presque violent est étrange, il donne la sensation que j’en veux au service client. Dans une discussion, on parlerait de réponse, tout simplement, mais on le voit bien, il n’est pas question de discussion ici.

Pour finir, OVH ajoute qu’en l’absence d’un retour dans les sept prochains jours, cette demande sera fermée automatiquement. Là encore c’est un choix de mots qui laisse clairement penser qu’OVH veut avant tout se débarrasser de ma demande.

Je ne suis pas étonné de tous ces choix. Comme je le disais plus haut, le service client est un poste qui coûte très cher aux entreprises, et il est devenu très rare de trouver un service client facile à contacter et réellement à l’écoute de sa clientèle. Je suis tout de même personnellement un peu déçu : je suis client OVH depuis bientôt vingt ans, j’ai eu plusieurs échanges avec le service client qui m’a parfois beaucoup aidé, et j’ai aujourd’hui la sensation de les déranger plutôt qu’autre chose. Le choix de ces mots, de ce champ lexical de la solution plutôt que de celui du dialogue, me laisse en tout cas penser qu’OVH a d’autres chats à fouetter.

Cette note au sujet du choix de quelques mots sur un site web peut paraître bien longue. Je n’aurai bien sûr pas écrit tout cela au sujet d’un petit site internet en plein lancement ; en revanche, dans le cas d’une très grande entreprise comme OVH, il me semble que chaque action entreprise, que chaque mot utilisé a son importance. Et que cette importance est encore plus grande dans le cadre de la relation avec sa clientèle, a fortiori lorsque cette clientèle est en situation de stress.

Lesbonsclics, ou comment un simple libellé de bouton peut bloquer complètement plusieurs personnes

Il y a quelques jours j’ai eu l’occasion d’aider une personne qui cherchait à utiliser la plateforme lesbonsclics. Il s’agit d’un site permettant de former les gens aux bases du numérique, que j’ai découvert ce jour-là.

Page d'accueil du site Lesbonsclics

Lorsque je suis arrivé à son poste, la personne m’a expliqué qu’elle n’arrivait pas à se connecter. Ensemble, nous avons successivement :

  • essayé son adresse e-mail et son mot de passe, puis essayé d’autres mots de passe ;
  • tenté une récupération de mot de passe : Un email vient de vous être envoyé, il vous permettra de réinitialiser votre mot de passe (c’est faux, et c’est assez grave comme erreur de la part de l’équipe de conception) ;
  • essayé une autre adresse mail et un autre mot de passe, puis essayé d’autres mots de passe ;
  • tenté une nouvelle récupération de mot de passe (même message, même mensonge).

La personne étant peu à l’aise avec l’informatique, ces démarches ont pris beaucoup de temps, peut-être quinze à vingt minutes.

Ne sachant plus quoi faire, j’ai pris le contrôle de la machine et exploré le site. Je suis parti de la page d’accueil, j’ai cliqué sur le bouton Connexion, je suis bien arrivé sur la page qui la bloquait. Et puis j’ai compris.

Page de connexion du site Lesbonsclics

On le sait, nous ne lisons pas le contenu des pages internet, la plupart du temps nous le scannons. Après une lecture plus approfondie de la page, j’ai constaté que la réponse était en fait sous notre nez depuis le début : la personne cherchait à se connecter à l’espace des formateurs, pas à l’espace des apprenants.

Mais… Pourquoi nous sommes-nous tous les deux retrouvés sur cette page ? C’est là que je me suis un peu énervé contre le site. Voici une nouvelle copie d’écran de la page d’accueil :

Page d'accueil du site Lesbonsclics

Comme je le disais, nous avons cliqué sur le bouton CONNEXION. Malheureusement, il ne s’agissait pas du bon bouton : les apprenants doivent cliquer sur le bouton JE VEUX APPRENDRE. Mais qui a eu une idée pareille ?

  • Le libellé du bouton CONNEXION est imprécis : qui se connecte ? Les apprenants ou les formateurs ? Et comment peut-on le deviner ?
  • Même remarque au sujet du libellé du bouton JE VEUX APPRENDRE : comment comprendre que c’est la page de connexion apprenants qui se trouve derrière, et pas une page de présentation du site par exemple ?

Le pire, c’est que l’équipe de conception du site semble consciente de ce problème. Qu’est-ce qui me fait dire ça ? La phrase Si vous souhaitez vous former aux bases du numérique, visitez l’espace apprenant ! en violet, juste en dessous du titre de la page de connexion des formateurs (sans lien direct vers l’espace apprenant, d’ailleurs). Et le bouton Accéder à l’espace apprenant à gauche de la page, en dessous de plusieurs pictos destinés aux formateurs. (Il est absent de la version mobile, d’ailleurs.)

Comment peut-on laisser passer une erreur pareille sur un site destiné à apprendre le numérique aux gens ? J’ai vu deux personnes bloquées sur ce problème en quelques minutes, je ne peux pas croire que l’équipe de conception ne l’ait pas remarqué… sauf si elle n’a jamais rencontré son public. Ce qui serait vraiment ennuyeux, en particulier pour un site de ce type.

L’écriture inclusive au quotidien : rédiger un tweet qui s’adresse à tout le monde

J’ai consulté hier la vidéo Bien concevoir ses composants, les bases d’un design system évolutif de Stéphanie Walter et j’ai ensuite souhaité la partager sur Twitter. J’ai donc tapé ce message :

Chers amis designers, qu’attendez-vous pour regarder un pro au travail ? [lien de la vidéo]

Et puis je me suis rendu compte que je parlais d’ *un* pro alors que Stéphanie est une femme. J’ai modifié mon tweet :

Chers amis designers, qu’attendez-vous pour regarder une pro au travail ? [lien de la vidéo]

Cette histoire de féminin m’a permis de remarquer… que je ne m’adressais qu’à mes amis masculins, ce qui n’était pas mon souhait. J’ai alors modifié mon message une troisième fois :

Cher-e-s ami-e-s designers et designeuses, qu’attendez-vous pour regarder une pro au travail ? [lien de la vidéo]

Cette fois plusieurs choses m’ennuyaient. Le Cher-e-s ne fonctionne pas à cause de l’accent, par exemple. Et puis il me semble que le tiret est assez mal compris par les lecteurs d’écran ; un point médian serait plus adapté, mais je ne sais pas où il se trouve sur mon clavier. Sans parler de la relative lourdeur de la formule designers et designeuses… Je devais trouver autre chose. J’ai modifié une dernière fois mon message :

Collègues du design, qu’attendez-vous pour regarder une pro au travail ? [lien de la vidéo]

Tout cela n’a pris que quelques secondes. J’aurais sans doute pu mieux faire (le Cher s’est un peu perdu en chemin, par exemple) mais mon message ne méritait pas que j’y passe plus de temps.

Pourquoi est-ce que je raconte tout ça ici ? Parce que je trouve que le jeu en valait la chandelle : je suis content d’avoir passé quelques secondes à améliorer mon message pour le rendre plus inclusif – d’ailleurs j’espère qu’à l’avenir je le ferai sans même y prêter attention. Le monde évolue et il me semble indispensable d’embrasser ces changements, en particulier lorsque l’on s’intéresse à l’UX.

Notes

  • Au sujet de l’écriture inclusive, je recommande cet article très complet de Julie Moynat (j’en parlais sur Twitter, justement).
  • Il existe je crois une extension permettant de bloquer l’envoi d’un tweet accompagné d’une image sans texte alternatif. Je me demande s’il existe une extension du même genre permettant de s’assurer que son tweet est bien inclusif.

Edit 23 juillet

@feoche a posé une question très intéressante sur Twitter : comment aurais-je fait s’il n’était pas question d’une femme mais d’une personne non-binaire ? Lawrence Vagner et @Stef Walter lui répondent sur le fil. Je reprends brièvement les suggestions au cas où elles disparaitraient avec le temps :

Lawrence Vagner
Option 3 : Garder une forme neutre « un.e pro »
Option 4 : Me demander comment je préfère être genré.e
Option 5 : Reformuler : « Hey les designers, regardez-donc cette vidéo super intéressante pour créer vos composants, par XXX »

Stef Walter
Quelque chose du genre « Collègues du design, qu’attendez-vous pour regarder la vidéo de Laurence, spécialiste de l’UX design / du domaine » ? (spécialiste est pareil au féminin et masculin du coup plus neutre ?)